First Reformed
de Paul Schrader
Le révérend Toller entreprend l’écriture d’un journal intime suite à la perte son fils. Paul Schrader trouve comme toujours dans les grandes questions spirituelles une urgence contemporaine, politique et existentielle, et réalise l’un de ses films les plus inspirés.
C’est un très grand film, que l’on aurait aimé pouvoir rencontrer sur un écran à sa mesure, dans une salle de cinéma. Hélas, la frilosité ou l’aveuglement des distributeurs sont sans doute le prix des errements, pourtant jamais inintéressants, de la carrière de ce benjamin du Nouvel Hollywood dont tous les films sont sortis directement en VOD ou DVD depuis The Canyons en 2014. Le confinement pourra être l’occasion de découvrir ce qui reste à nos yeux l’un des films les plus marquants de la décennie écoulée.
« La vie réglée de Toller bascule lorsque l’une de ses rares fidèles, enceinte, le conjure de prêter l’oreille aux tourments de son compagnon, un activiste écologiste radical, à ce point rongé par le désespoir de voir le monde courir à sa perte qu’il ne saurait envisager de devenir père. La scène de dialogue entre le jeune homme et le prêtre, absolument éblouissante, initiera une patiente bascule dans des tréfonds méditatifs, glissement qui rapiécera peu à peu l’apparent naturalisme du récit en lambeaux sublimes, que scande cette question : «Dieu nous pardonnera-t-il [d’avoir détruit le monde] ?»
Du réalisme corrompu et transcendantal à l’insondable tristesse des pères, tout Schrader y macère avec virulence et netteté. Mais ce pourrait tout aussi bien être l’œuvre d’un Robert Bresson (moins celui de Journal d’un curé de campagne que du Diable probablement) converti aux visages stars et à quelques vertiges propres à l’image numérique. »
Julien Gester, Libération