L’Accident de piano

Quentin Dupieux est un cinéaste surprenant. Par ses films, bien évidemment, semblables à aucun autre. Mais aussi par sa capacité, tout en imposant un style, un ton, un univers immédiatement reconnaissables, à se renouveler. Ainsi, son opus 2025 garde son caractère imprévisible mais en traçant une ligne plus claire que dans ses films précédents, certainement parce que son centre est un personnage – ô combien inédit et incarné de manière époustouflante, avec un investissement et un abandon extraordinaires, par Adèle Exarchopoulos -, et moins une intrigue à rebondissements (même s’ils existent bien). Pour ne pas gâcher le plaisir de comprendre peu à peu les tenants et les aboutissants d’une situation de départ doucement mystérieuse et révélée avec une certaine jubilation, nous ne dévoilerons rien de l’histoire dans laquelle le réalisateur va nous embarquer. Disons juste que, avec ses fabuleux interprètes dont on sent la joie de s’amuser à jouer, Dupieux parvient à la fois à se déconnecter (le mot a ici une drôle de saveur) du réel et à s’y inscrire totalement. Et il étonne par sa capacité à tisser une comédie assumant son exagération, tout en parlant de son époque, des comportements qu’elle génère et, de manière plus atemporelle, de la place que l’on essaie de trouver, du désir de reconnaissance et peut-être de solitude. Une gravité jamais soulignée et plombante sous le couvert d’un humour à froid, parfois corrosif, souvent décalé.