Le journal d’un disparu
Ivo van Hove
spectacle en anglais et tchèque surtitré en français
Le metteur en scène belge Ivo van Hove, gagnant en 2016 du grand Prix de la Critique pour le Meilleur spectacle de l’année, ainsi que gagnant du Tony Award du meilleur metteur en scène, est invité au Théâtre. Un événement !
Le récit captivant d’une histoire d’amour impossible entre un slovaque et une jeune gitane. Une relation brûlante qui par sa fièvre et sa prohibition, menace toute une existence. Entre théâtre et opéra Le journal d’un disparu raconte la flamme de Leoš Janacek pour sa muse, Kamila Stösslova, une jeune femme de trente-huit ans sa cadette, pour laquelle il a nourri une passion dévorante. Guidé par son amour, le jeune homme brave les interdits, rompt avec les siens et se défait de ses préjugés pour suivre cette femme incandescente. Ivo van Hove met en scène cette histoire d’amour dans le huis clos d’un atelier de photographie. Jouée par Andrew Dickinson et Marie Hamard, accompagnés d’une pianiste et de trois chanteuses, cette pièce met en valeur les choeurs et la partition minimaliste de Janácek, pour un moment intime, enivrant et poétique.
Distribution
composition Leoš Janacek/Annelies Van Parys mise en scène Ivo van Hove avec Andrew Dickinson (ténor) Hugo Koolschijn (comédien) Marie Hamard (mezzo-soprano) Lada Valesova (piano) chant Annelies Kerstens, Naomi Beeldens, Fabienne Seveillac scénographie Jan Versweyveld dramaturgie Krystian Lada costumes An D’Huys © Jan Versweyveld
Production
production de Muziektheater Transparant coproduction Toneelgroep Amsterdam, Klarafestival, De Munt; La Monnaie Choral MM Academy, Kaaitheater, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Operadagen Rotterdam & Beijing Music Festival
Autour du spectacle
Programme:
LEOŠ JANÁČEK 1854–1928
› Zápisník zmizelého (Journal d’un disparu), JW 5/12 (1917–1920)
ANNELIES VAN PARYS °1975
› Tagebuch (2017, Première en France)
Ce conte mélancolique écrit par le tchèque Leos Janacek (1854-1928) raconte l’histoire de Janik, jeune homme qui quitte son village et laisse tout derrière lui pour suivre une jeune gitane. Un récit qui parle bien sûr d’amour, mais aussi du déracinement, de l’identité et de l’intégration. La soif de passion de Janik pourra-t-elle le libérer d’un environnement étouffant ? Ou gâchera-t-il son existence entière pour une passion qui serait une illusion? Le grand metteur en scène européen Ivo van Hove transpose l’œuvre de Janacek à notre époque et quitte la campagne pour la ville. Janik devient un photographe de renom, et le spectacle est traversé de ses poèmes pour la gitane et également de lettres d’amour de l’auteur pour sa muse Kamila. Le journal d’un disparu devient ainsi un autoportrait intime autant qu’une fiction. Pour ce spectacle, la partition musicale a été complétée par la compositrice belge Annelies van Parys. Le piano y reste l’instrument central.
——-
Leos Janácek / Annelies Van Parys / Ivo Van Hove
Inspiré par son destin personnel, Janácek compose à l’aube du XXe siècle ce chant d’amour pour piano et voix. Le metteur en scène belge Ivo van Hove, dont la carrière internationale confirme toujours le renom, adapte pour la scène ce célèbre opéra de chambre en confrontant le passé et le présent. Une oeuvre bouleversante.
En 1916, le journal tchèque Lidové Noviny publie des poèmes anonymes racontant l’histoire de Janik, un jeune villageois qui s’éprend de la belle Zofka, et décide de tout quitter pour suivre cette jeune gitane ombrageuse. Profondément touché par la lecture de ce récit mystérieux, Janácek compose en écho un cycle de vingt-deux pièces pour piano et voix d’une intensité bouleversante. L’histoire de cet amour passionnel est en réalité celui qu’éprouve Janácek pour sa dernière muse, Kamila Stösslová, de trente-huit ans sa cadette. En témoigne cet aveu : « Cette sombre tzigane de mon Journal d’un disparu, c’était toi. Voilà pourquoi cette oeuvre est si brûlante d’émotions. ».
Les vingt-deux tableaux dessinent un autoportrait musical, autant qu’ils évoquent un conflit entre deux mondes. En effet, les barrières qui séparent le monde de Janik de celui de Zofka semblent infranchissables. Tout comme celles que doit surmonter Janácek face à la morale. La rencontre, le désir triomphant, le remord jaillissent des mélodies jouées au piano, réceptacle de toutes les émotions, tandis que les voix du ténor, de la mezzo-soprano et du choeur de femmes exaltent la profondeur des sentiments.
Le metteur en scène belge transpose cet opéra de chambre à notre époque et quitte la campagne pour la ville. Janik devient un photographe réputé. Pour donner à entendre les élans passionnés du compositeur, Ivo van Hove intègre au spectacle des extraits de ses lettres d’amour à Kamila. Il invite également la jeune compositrice belge Annelies Van Parys, qui a écrit là plusieurs intermèdes à l’oeuvre de Janácek, comme autant de résonnances à cette fable sur le déracinement.
AVEC TOUTE MA DÉVOTION : MÉMOIRES DE CE QUI N’A JAMAIS EU LIEU
De la version scénique par Ivo Van Hove du Journal d’un disparu de Leoš Janáček
Krystian Lada, dramaturge
Lorsque Leoš Janáček, alors âgé de 63 ans, rencontre la jeune Kamila Stösslová de 26 ans au cours de l’été 1917 à Luhačovice, l’amour est probablement la dernière chose que l’on attendrait de cette singulière rencontre. Lui, un homme marié, et compositeur sur le point de connaître la célébrité internationale après le succès exceptionnel de son opéra, Jenůfa, dont la première avait été présentée à Prague l’année précédente. Elle, une femme mariée heureuse et mère de deux garçons, une personne aux prétentions intellectuelles modestes. Cependant, une brève rencontre dans une ville thermale de Moravie suffit à déclencher onze années de correspondance intime et une relation aussi impossible que réelle entre Leoš et Kamila.
Lettres intimes
Du 16 juillet 1917 au 25 juillet 1928, Janáček écrivit plus de 700 lettres à sa muse, de 37 ans sa cadette. À ses frissons d’admiration, de passion et même d’extase érotique, exprimés en près de 200 000 mots au total, Kamila répondit avec plus de retenue par un total de 49 lettres, écrites à une fréquence irrégulière.
Dans la correspondance de Janáček, la formule de politesse Chère Madame fit rapidement place à la formule plus confidentielle Ma chère Kamila, et Kamilka, ma chérie. Dans ses messages à Kamila, il lui ouvrait son âme tant sur le plan personnel qu’artistique, avec générosité et souvent en termes hautement poétiques, faisant état de la progression de son travail de composition récent, de ses nouvelles premières et des détails de sa vie familiale.
Kamila Stösslová conserva dans ses lettres au compositeur une plus grande distance, employant jusqu’à la fin de leurs échanges la formule Cher Maestro. Le contenu de celles-ci était plutôt de nature pratique. Dans ses phrases souvent courtes, Stösslová décrivait ses activités journalières, lui donnait quelques nouvelles de ses derniers achats à l’épicerie ou exprimait poliment son inquiétude par rapport aux problèmes de santé de Janáček et à la situation financière précaire de sa famille. « (Kamila) n’était pas particulièrement intelligente », se rappelle Zdenka Janáčková, la femme du compositeur, dans ses mémoires. « Elle me disait qu’elle n’avait pas aimé aller à l’école et n’aimait pas apprendre, ce qui devait être vrai au vu du grand nombre de fautes d’orthographe que contenaient ses lettres. Elle n’avait aucune notion de musique et ne connaissait pratiquement rien à propos des compositeurs. Elle appelait les morceaux de Leoš «ces notes que tu écris», et n’avait jamais entendu parler de Wagner. En littérature, elle ne valait guère mieux. Un jour, elle a écrit à Leoš : «Envoie-moi quelque chose à lire qui ne soit pas trop long, comme une histoire d’amour qui se termine bien.» » En lieu et place de lettres d’amour passion-nées, Kamila fournit régulièrement à la famille Janáček du pain, du beurre, et autres denrées rares durant la guerre.
Aussi ignorante fût-elle par rapport aux créations artistiques et à la musique du compositeur, Kamila eut une influence déterminante sur la composition et la carrière de Janáček. Durant la période de leurs échanges épistolaires, Janáček composa ses plus grandes œuvres – nombre d’entre elles explicitement inspirées par la dynamique de leur relation et par sa personne – et devint célèbre. « Vivre comme l’imagine Zdenka », écrivait le compositeur à Kamila, évoquant son mariage, « est une chose impossible pour moi: c’est pire que la torture. Et je ne permettrai pas qu’on me prive de ma liberté de penser et de ressentir. J’ai besoin de toi comme d’oxygène. Sans toi, je ne serais pas celui que je suis. Aucune de mes compositions ne pourrait naître de ce désert dans lequel je vis. Je mourrais comme unmalaimé. » La correspondance intime de Janáček avec Kamila lui offrait une échappatoire libératrice à sa vie bourgeoise.
Désir brûlant
Il est, malgré tout, difficile d’établir avec exactitude le nombre de lettres échangées entre Janáček et Kamila. À sa demande, Janacek brûla de nombreuses lettres de Kamila dans les dernières années de leurs échanges, conservant la dernière lettre jusqu’à l’arrivée de la suivante. « Je suis en train de lire toutes tes lettres que je n’ai pas encore brûlées. C’est le cœur lourd que je sacrifierai à la pureté du feu les lettres les plus intimes, que beaucoup risqueraient de mal interpréter. Je garderai les autres. » D’autres ont été brûlées par la femme de Janacek dans un accès de fureur ou de jalousie: « Zdenka doit se rendre à l’évidence. Tu es ma lumière : je vivrai aussi longtemps qu’elle brillera. Je ne veux pas vivre sans toi. Notre foyer est en paix ; Zdenka a brûlé la lettre. […] Et mes lettres? Si tu veux conserver la preuve que je suis seul coupable, et que m’a passion effrénée pour toi t’a conduite à [écrire] certaines choses, garde-les. Si tu es du même avis que moi, alors brûle-les. C’est ce que je vais faire à présent – afin de pouvoir te protéger de tout. » Les enveloppes vides des archives de Kamila prouvent qu’elle a dû, elle aussi, brûler au moins quelques-unes de ses lettres.
Zápisník –l’album
À partir d’octobre 1927, une série de notes consignées dans un album appelé památník ou zápisník dans leur correspondance, vint s’ajouter aux échanges écrits entre le compositeur et Kamila. (Le titre original tchèque du cycle de chants de Janáček est similaire – Zápisník zmizelého.) Ce livre à la reliure noire se trouvait à l’origine à Písek, dans la maison de Stössels, comme un livre parmi les autres. Lors de ses visites, Janáček y écrivait des messages à Kamila – en mots et en musique – censés être lus par elle en son absence. « Lis comment nous avons simplement imaginé notre vie », dit la première phrase écrite dans l’album par le compositeur. Sur un total de 84 pages, Janáček coucha 13 courtes compositions, la plupart de quelques mesures seulement. Dans certaines d’entre elles, il a tenté de rendre par des notes la voix de Kamila.
Kamila emmena l’album à Hukvaldy, ville natale de Janáček, lorsqu’elle visita sa maison à la fin du mois de juillet 1928. Janáček a continué de l’alimenter jusqu’au 10 août 1928, deux jours avant sa mort. « Et je t’ai embrassée. Et tu es assise à mes côtés et je suis heureux et en paix. C’est ainsi que s’écoulent les jours pour les anges », furent les derniers mots écrits dans l’album.
Journal d’un paysan
Un mois seulement après sa première lettre à Kamila, Janáček fit mention de son projet de composer Le Journal d’un disparu : « Le matin, je m’occupe dans le jardin ; l’après-midi, j’ai régulièrement des idées de motifs pour ces beaux petits poèmes sur cet amour tzigane. Peut-être en ferai-je une jolie petite romance musicale – avec un soupçon d’ambiance de Luhačovice. » Janáček fait ici allusion à 23 poèmes courts intitulés De la plume d’un paysan autodidacte, publiés anonymement dans le quotidien de Brno Lidové noviny (Journal du peuple) en mai 1916. Janáček était un lecteur assidu de ce journal et y écrivait souvent ses propres articles. Certaines autres de ses compositions, dont l’un de ses plus célèbres opéras La Petite Renarde rusée (1924), furent également inspirées d’articles de ce journal. Les poèmes susmentionnés étaient écrits en dialecte valaque – dialecte de la région où Janáček passa son enfance. La mélodie de la langue de sa région natale a certainement été à l’origine de son inspiration. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que l’auteur des textes soi-disant anonyme fut identifié comme étant l’écrivain valaque Josef Kalda.
Ces poèmes évoquent un fils de paysan adolescent du nom de Janíček, tiraillé entre ses obligations familiales et sa profonde attirance pour une Tzigane appelée Zefka. Dans un premier temps, il résiste à son regard envoûtant et la renvoie. Il finit par retrouver Zefka dans la forêt alors qu’il se promène, apparemment à la recherche d’un morceau de bois pour réparer sa charrette; il succombe à son charme et lui fait l’amour. Bien qu’il s’en veuille d’avoir trahi ses convictions et de faire honte à sa famille en s’éprenant d’une étrangère, Janíček attend chaque nuit avec impatience de pouvoir retourner dans la forêt pour retrouver sa Tzigane. Lorsqu’il se rend compte que Zefka porte son enfant, il décide de quitter sa famille pour vivre avec elle parmi les Tziganes.
Après son retour de Luhačovice à Brno, Janáček s’attela immédiatement à la composition de la pièce, tout en continuant à faire progresser d’autres œuvres importantes. Ce n’est qu’en 1919 que le cycle de chants pour ténor, contralto, trois voix de femmes et piano fut achevé. Il présenta sa première en 1921 à Brno. La première performance scénique eut lieu cinq ans plus tard seulement.
Amour tzigane
Janáček a mentionné à maintes reprises que la composition du Journal avait été influencée par son affection pour Kamila: « Je n’ai pas de mots pour exprimer à quel point tu me manques, combien je voudrais être auprès de toi. Où que je sois, je me dis: que pourrais-je vouloir de plus dans la vie, puisque j’ai ma chère et charmante petite Tzigane noire. Je sais que mes compositions seront plus empreintes de passion et d’exaltation: tu seras dans chacune de leurs petites notes. Je les caresserai; chaque note sera la pupille de tes yeux. » De nombreuses images des poèmes se retrouvent ainsi à différents moments de leur correspondance – Kamila en jeune Tzigane; la forêt, à la fois comme lieu de séduction et de danger. La femme de Janáček se rappelait du physique de Kamila: « Elle était de taille moyenne, les cheveux foncés et bouclés comme ceux d’une Tzigane, avec de grands yeux qui paraissaient globuleux, une «Héra aux yeux de bœuf» […] avec des sourcils épais et une bouche sensuelle. Elle a gagné les faveurs de mon mari par sa gaieté, son rire, son tempérament, ses allures de Tzigane et ses formsgénéreuses […] Elle était naturelle, parfois même sans retenue. » Pour Janáček, ce désir interdit pour une femme mariée et bien plus jeune que lui était comparable à un amour pour une Tzigane – image courante de l’étrangère par excellence à l’époque; entretenir une relation avec une Tzigane signifiait transgresser les normes sociales.
Dans l’image finale du cycle de chants, Zefka est enceinte et porte l’enfant de Janíček. Le plus grand fantasme et désir de Janáček était que Kamila porte son enfant, dans la mesure où il avait perdu ses deux enfants avec Zdenka au cours de leur mariage: « Dans mon âme, tu es mienne pour toujours. Hier, comme une enfant. Aujourd’hui, comme une femme pleine de grâce. Seule une image manque – toi, ma chère Kamila, en tant que mère. Une mère penchée sur son enfant pour le nourrir de son propre sang. Alors, et alors seulement, tu seras mienne. »
Vers l’opéra
Journal d’un disparu sort du cadre du cycle de chants traditionnel. En plus du principal protagoniste incarné par un ténor, Janáček y introduit le personnage de Zefka (contralto) et les trois voix-off spectrales des femmes (deux sopranos et une contralto). Les indications de la partition stipulent que la chanteuse jouant le rôle de Zefka ne doit pas apparaître sur scène avant le chant VII, et doit la quitter de façon tout aussi discrète pendant le chant XI. La présence physique de la contralto sur scène rompt avec l’intimité typique du récital de chant et nécessite une mise en scène de cette rencontre.
À la différence du jeune meunier dans La Belle Meunière de Schubert ou du vagabond dans Voyage d’hiver, le jeune paysan du Journal de Janáček finit par céder à son désir, s’évade de son milieu familier et quitte son pays. À ce titre, le Journal dépasse le mode purement méditatif caractéristique du cycle de chants classique. La décision active de Janíček et les conséquences qu’elle implique – la grossesse de Zefka – apportent non seulement une tension dramatique à la pièce, mais y ajoutent également un développement dramatique. Par ailleurs, la partition de piano est bien plus qu’un simple accompagnement de la voix. Elle traduit le drame qui s’intensifie dans la section XIII pour piano solo, évocation musicale de la rencontre érotique des protagonistes.
L’autre voix
Pour la version scénique du Journal d’un disparu, mise en scène par Ivo Van Hove, la compositrice flamande Annelies Van Parys a été invitée à écrire quatre nouveaux fragments musicaux inspirés de la pièce de Janáček.
La matière développée par Annelies Van Parys a pour effet de casser la rapidité du rythme de la pièce. Dans le cycle de Janáček, le chant pour ténor le plus court ne dure que 39 secondes et la durée approximative de l’ensemble des 22 chants ne dépasse pas 37 minutes. Les chants composés pour la contralto, situés à la moitié de l’œuvre – chants IX, X et XI – sont les pièces les plus longues du cycle de Janáček. C’est comme si l’entrée du personnage féminin ralentissait le pouls du jeune paysan. La composition de Van Parys explore cette nouvelle dimension temporelle en mettant en exergue le timbre des voix des femmes: l’énergie virile du ténor est équilibrée musicalement par la suspension du temps, miroir du rythme masculin et des voix féminines, formant une texture musicale sans climax.
En outre, Annelies Van Parys privilégie la perspective de la femme dans le cycle de Janáček. Le Journal se développe autour du protagoniste masculin projetant sur le personnage féminin de Zefka une vision de la femme sauvage et mystérieuse – tout comme Janáček projetait sur Kamila un idéal de féminité pure. Dans la composition de Van Parys, Zefka devient un personnage actif. Elle est non seulement physiquement présente, mais elle s’interroge sur son amant gadjo (surnom traditionnellement donné par les Tziganes aux non-Tziganes). Le nouveau livret sur lequel se base la composition est inspiré par la poésie romani féminine traditionnelle et ses métaphores. Par exemple, dans la composition de Janáček, la femme tzigane est comparée à un animal sauvage. Dans les nouvelles compositions, la comparaison par les Tziganes entre le gadjo et le cheval blanc, bălănuș, est également exprimée. De même, pour Janíček, Zefka réfléchit elle aussi aux conséquences de son départ du clan tzigane – elle est consciente de ce que sa famille n’appré-ciera pas son choix d’un gadjo.
Monologue intérieur
Le Journal d’un disparu est la quatrième pièce d’une série de monologues développée par Ivo Van Hove avec les acteurs de sa compagnie théâtrale Toneelgroep Amsterdam au cours des dernières années. Il a déjà réalisé La voix humaine (2009) avec Halina Reijn, Songs from Far Away (2015) avec Eelco Smits et The Other Voice (2016) avec Ramsey Nasr.
Le sentiment universel des départs et adieux sans fin, tout comme l’impossibilité d’entretenir un véritable contact avec l’autre lorsqu’il est loin, dans le temps comme dans l’espace – des caractéristiques établies dans les monologues précédents – se retrouvent également dans la mise en scène par Van Hove du Journal. Le public est face à un monologue intérieur – dans cecas, celui d’un vieil homme perdu dans le paysage éternel des souvenirs et fantasmes de ce qu’il est, ce qu’il était et ce qu’il n’est jamais devenu. Si la musique jouait déjà un rôle prépondérant dans la dramaturgie des monologues précédents, le Journal de Van Hove pousse plus loin encore l’expérimentation en combinant un cycle de chants avec les textes originaux de la correspondance intime entre le compositeur et Kamila, leur correspondance par album interposé et la dernière volonté du compositeur. « Je n’ai plus que des souvenirs », écrivait Janáček dans une de ses lettres. « Donc je vis à travers eux. »
En savoir +
Vidéos