Les Rencontres de Sophie – La beauté
Un week-end philo en partenariat avec l’association Philosophia
Les Rencontres de Sophie font escale à Saint-Nazaire : le Théâtre et l’association Philosophia vous invitent à un week-end de philosophie à destination de tous.
Que serait une existence humaine sans l’expérience de la beauté ?
Un corps, une chanson, l’éclat d’un poème, la majesté d’un édifice, la pureté d’une forme, autant de réalités, prosaïques ou sublimes, qui peuvent déclencher en nous un émerveillement, une émotion à la fois singulière et commune. On dit alors : « c’est beau », sans bien savoir de quoi il s’agit. Sans doute d’abord d’un plaisir, des sens et de l’esprit ; mais aussi de la reconnaissance d’une qualité, une harmonie souvent, dont nous sommes bien en peine de décider si elle est dans cet objet même, ou tient à l’effet qu’il provoque en nous ; d’un jugement enfin, qui généralise et communique notre sensation, jusqu’à en faire parfois l’expression d’un partage du sensible.
Abécédaire, conférences, débat, table ronde, lecture, films, tenteront de saisir la beauté du monde et des œuvres, des choses et des êtres, sans quoi il serait impossible pour l’homme d’habiter le réel.
Vendredi 17 mars
17h-18h au Théâtre
Conférence de Bernard Sève, en partenariat avec L’Ecole des Beaux-Arts
Trois concepts de la beauté : peinture, poésie, musique
Le concept de beauté n’est pas le seul que nous employons pour caractériser certains objets naturels (une belle fleur) ou certains produits artistiques (un bel opéra) ; d’autres mots sont aussi utiles, comme joli, sublime, gracieux, pathétique, etc. Mais « beauté » a assurément un privilège, comme s’il exprimait au mieux le cœur de nos expériences esthétiques.
Ce concept n’est cependant pas aussi simple que sa popularité pourrait le laisser croire. Une musique est-elle belle au même sens qu’un statue l’est ? Ce n’est pas certain, les types de plaisir ou d’émotion esthétique suscités par ces objets étant assez différents.
Trois concepts différents de la beauté me paraissent pouvoir être dégagés, selon qu’on parle de beauté picturale, de beauté poétique ou de beauté musicale. Il n’est pas pertinent de vouloir réduire la diversité de ces sens, en pensant par exemple toute beauté artistique sur le modèle de la beauté picturale ou de la beauté poétique. La distinction de ces trois concepts n’empêche néanmoins pas une nécessaire souplesse dans leur usage, la souplesse n’étant pas ici facilité, mais prise en compte du fait que les arts ne sont pas des réalités étanches.
Bernard Sève est professeur émérite en esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille. Il travaille principalement en philosophie de la musique (L’Altération musicale, ou ce que la musique apprend au philosophe, Seuil, 2002 et 2013 ; L’Instrument de musique, une étude philosophique, Seuil, 2013, ainsi que de nombreux articles). Il est également l’auteur d’un ouvrage sur l’usage des listes (De Haut en bas, philosophie des listes, Seuil, 2010), et travaille par ailleurs sur la pensée de Montaigne (Montaigne, des règles pour l’esprit, PUF, 2008, et de nombreux articles).
18h30-19h30 au Théâtre
Entretien avec Jean-Christophe Bailly, animé par Vincent Grégoire
La beauté de la nature
Jean-Christophe Baillly est né en 1949 à Paris. Il est l’auteur de nombreux livres, avant tout des essais mais aussi des poèmes et des récits de voyage. Les façons d’habiter (humaines ou animales), les images et, bien sûr, le langage sont les principaux axes de sa réflexion. Le Dépaysement (2011) est son livre le plus connu. Récemment parus Naissance de la phrase (Nous, 2020) et Paris quand même (La Fabrique, 2022). Sur la peinture et la photographie, L’Imagement (Seuil, 2020) et Une éclosion continue (Seuil, 2022).
Vincent Grégoire est agrégé de philosophie et docteur en philosophie. Il enseigne au Lycée Jean-de-Lattre-de-Tassigny de La Roche-sur-Yon
20h30 au Cinéma Jacques Tati
Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig
avec Jenny Agutter, Juliet Berto, Ellen Burstyn, Candy Clark, Jill Clayburgh, Patti D’Arbanville, Rose de Gregorio, Marie Dubois, Louise Fletcher, Jane Fonda, Luce Guilbeault, Shirley MacLaine, Mallory Millet-Jones, Mady Norman, Millie Perkins, Rita Renoir, Delia Salvi, Maria Schneider…
France, 1976, 110 minutes
En 1976, Delphine Seyrig s’entretient avec 23 actrices sur leurs conditions de femmes dans l’industrie cinématographique, leurs rapports avec les producteurs et réalisateurs, les rôles qu’on leur propose et les liens qu’elles entretiennent avec d’autres comédiennes.
Projection suivie d’une rencontre avec Murielle Joudet
Murielle Joudet est critique de cinéma au Monde, elle participe à l’émission Le Cercle (Canal+) et anime une émission d’entretiens sur le site Hors-série. Elle a publié deux essais consacrés à des actrices : Isabelle Huppert : Vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018) et Gena Rowlands : On aurait dû dormir (Capricci, Prix 2021 du livre de cinéma) et, récemment, aux éditions Premier parallèle, La Seconde Femme, un essai sous-titré : Ce que les actrices font à la vieillesse.
Tarifs cinéma: de 4 à 6,50 euros
Samedi 18 mars
Dans le hall du Théâtre, de 11h à 19h30
Abécédaire.
La beauté déclinée en 26 séquences de 15 minutes : 26 thèmes philosophiques abordés sous forme de mini-conférences menées par des professeurs de philosophie, auxquelles le public est invité à assister, soit en choisissant quelques lettres au gré de son désir, soit en s’immergeant dans ce marathon philosophique.
11h00 A – AGRÉABLE, CAMILLE DREYFUS-LE FOYER
11h25 B – BONHEUR, ANDRÉ GUIGOT
11h50 C – CHATGPT, JEAN-LUC NATIVELLE
12h 15 D – DÉVOILEMENT, NADIA TAÏBI
12h40 E – ENSEIGNER, JOËL GAUBERT
13h05 F – FOOTBALL, FRANCK ROBERT
13h30 G – GESTE, EVELYNE GUILLEMEAU
13h55 I – INSIDIEUX, BORIS MISURA
14h20 J – JUGER, JEAN-CLAUDE PINSON
14h45 K – KALOS KAGATHOS, CAMILLE MOUFLIER
15h10 L – LAID, CATHERINE DROUET
15h35 M – MIGNON, SYLVAIN PORTIER
16h00 O – OBJECTAL, JEAN-FRANÇOIS CREPEL
16h25 Q – « GROS Q », CÉLINE BELLOQ
16h50 R – RHÉTORIQUE, MICHEL MALHERBE
17h15 S – SUBLIME, BETHSABEE PARRY
17h40 T – TRAGIQUE, CYRIL HUNAULT
18h05 U – UNIVERSELLES, PHILIPPE CORMIER
18h30 V – VIVACITÉ, LOUIS PICHOT
18h55 W – WIGMAN, JULIE CLOAREC-MICHAUD
19h15 Z – ZEUXIS, JEAN-MARIE FREY
11h-12h au Théâtre
Conférence d’Eric de Chassey
Une œuvre d’art doit-elle être belle ?
Éric de Chassey est directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art, professeur à l’École normale supérieure de Lyon, ancien directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis. Spécialiste de l’art contemporain, il a notamment publié plusieurs ouvrages consacrés à Matisse, ainsi que Platitudes. Une histoire de la photographie plate, Paris, Gallimard, 2006 ; Pour l’histoire de l’art, Arles, Actes Sud, 2011 ; L’abstraction avec ou sans raisons, Paris, Gallimard, 2017.
14h-15h30 au Théâtre
Table ronde avec Eric de Chassey, Sophie Levy et Rozenn Le Merrer, animée par Aurélie Dourmap
Pourquoi les BEAUX-arts ?
Pourquoi, à Nantes, une école des Beaux-Arts ? Et, toujours à Nantes, un Musée d’arts ? Pourquoi conserver la référence à la beauté dans la formation de jeunes plasticiens, alors même que la place du concept dans l’art contemporain est très problématique ? Et quel sens concret et pédagogique donner à cette notion volontairement maintenue ? Pourquoi à l’inverse abandonner l’idée de Beaux-Arts, alors même que se trouvent au Musée d’Arts quantité d’œuvres dont c’est peu dire qu’elles sont belles ? Il s’agira ici de croiser les regards pour éclairer autant que possible cette relation à la fois intime et conflictuelle entre l’art et la beauté.
Éric de Chassey est directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art, professeur à l’École normale supérieure de Lyon.
Sophie Levy est directrice conservatrice du Musée d’arts de Nantes
Rozenn Le Merrer est directrice de l’Ecole des Beaux-arts de Nantes-St-Nazaire
Aurélie Dourmap est professeure agrégée d’Arts Plastiques au Lycée Guist’hau de Nantes
16h-17h au Théâtre
Conférence dansée, de Julie Cloarec-Michaud et Mickaël Lafontaine
La beauté du geste, ou le gai savoir du danseur
Cette « conférence dansée » allie philosophie, danse et art numérique. Julie Cloarec-Michaud, avec Mickaël Lafontaine, proposent une expérience immersive au plus près de la réflexion, du mouvement et de la poésie. Lorsque Nietzsche écrit : « Je ne vois pas ce que l’esprit d’un philosophe pourrait désirer de meilleur que d’être un bon danseur ? », il remet en cause, d’un revers d’aphorisme, la distinction entre theoria et praxis. Peut-on penser la danse ? Danser la pensée ? Et si ces questions ne signifiaient rien ? Et si danser, c’était penser, et penser, c’était danser ? Alors, à tout apprenti philosophe curieux de comprendre le monde il ne suffirait plus de dire « Connais-toi toi-même », mais bien plutôt de lui demander « et si on dansait ? ». Enjoindre à la connaissance comme on incite à la danse c’est assumer une pensée vivante et en mouvement qui se déleste sans cesse des carcans immobiles et menaçants de la certitude. Alors dansons ! Ne serait-ce que pour la beauté du geste !
17h30-18h30 au Théâtre
Conférence de Nadeije Laneyrie-Dagen
La beauté des corps : dissensions et crises
La Grèce a inventé la beauté, sous la forme de statues : des Apollon et des Vénus qui ont servi, des siècles durant, de référence. Cette référence cependant, est loin d’être universelle. Une sculpture africaine qui représente un corps, un visage, peut nous frapper par sa beauté : mais c’est pour des raisons qui n’ont rien à voir avec ce que nous définissons comme harmonieux dans une statue antique, que nous utilisons le mot « beau » à leur propos. L’histoire des crises de la beauté nous retiendra dans cette communication : l’apparition d’un type de corps adverse, celui, musclé, expressif, souffrant, du Laocoon, à l’époque hellénistique ; le refus de la représentation de beaux corps, au Moyen Age ; le transfert du modèle des marbres dans le pigment et la couleur à la Renaissance, et la tension que les corps ainsi rendus sensuels provoquent dans le monde chrétien, à l’époque de la Réforme et de la Contre-Réforme ; le dilemme, enfin, entre perfection froide et réalité imparfaite touchante – réalisme contre idéal – à partir de Caravage et jusqu’à Courbet. Partons pour une exploration de long terme, forcément partielle, faite de fragments épars pour changer un peu nos idées sur le beau en art.
Nadeije Laneyrie-Dagen est historienne d’art, enseignante à l’Ecole Normale Supérieure. Elle est l’auteure d’ouvrages thématiques (dont l’Invention du corps, édité et réédité chez Flammarion), de monographies (Rubens, chez Hazan), de manuels (Lire la peinture, Larousse ; Histoire de l’art pour tous, Hazan), et d’un roman, l’Etoile brisée chez Gallimard).
20h15 au Théâtre
Diffusion d’un entretien avec Bruno Latour par Nicolas Truong : « C’est tellement beau la philosophie ! » en partenariat avec ARTE
A l’automne 2021, le philosophe et sociologue Bruno Latour déroulait face à Nicolas Truong ses réflexions sur le nouveau monde qui s’impose dans une série d’entretiens diffusés sur la chaîne ARTE. Le Théâtre propose, en partenariat avec ARTE, de découvrir l’un des épisodes de cette série.
20h30-22h au Théâtre
Débat avec Julie Beauté, Jean-Claude Pinson et Agnès Levitte, animé par Pascal Massiot
Qu’est-ce qu’une belle ville ?
La beauté d’une ville est souvent réduite à celle de ses monuments, ou à celle d’un paysage urbain harmonieux, soigneusement préservé et esthétiquement cohérent, le plus souvent du fait de l’histoire ou d’un projet urbanistique précis. On tend parfois à accentuer encore cette dimension patrimoniale, en esthétisant de façon plus ou moins heureuse ses rues et avenues, en tentant d’y inscrire, de gré ou de force, des expérimentations artistiques, ou en muséifiant purement et simplement son cœur historique. Il s’agira de débattre de ce que pourraient être une autre beauté de la ville, pensée à partir de ses marges, des ses friches, de ses non-lieux, de ses habitants aussi et de sa vie réelle, par les ressources communes de la poésie, de la philosophie et de l’historie de l’art.
Julie Beauté est doctorante en philosophie contemporaine aux Archives Husserl (ENS Ulm, PSL) et ATER au sein de l’UMR ADES (Aix-Marseille Université). Ses recherches, mêlant des analyses philosophiques, biologiques et architecturales, proposent un renouvellement du lien entre architecture et écologie. Elle s’intéresse notamment au rôle des agents humaines et autres qu’humains dans la conception de l’architecture, en s’appuyant sur les humanités environnementales, les nouveaux matérialismes, les épistémologies féministes et la philosophie de terrain. Elle est l’autrice de plusieurs textes, dont le chapitre « Vers des esthétiques situées » de l’ouvrage La Beauté d’une ville, publié par le Pavillon de l’Arsenal et Wildproject en 2021.
Agnès Levitte est chercheuse attachée au CRAL (Centre de Recherche sur les Arts et le Langage) EHESS/CNRS. Elle a fait partie des premières équipes du Centre de Création Industrielle du Musée des Arts Décoratifs de Paris, de l’Ecomusée du Creusot et du Centre Pompidou, en tant que responsable de concours et de plusieurs expositions sur le design industriel. Elle a par ailleurs dirigé l’Ecole de design des Pays de Loire, et publié, entre autres ouvrages, Regards sur le design urbain – intrigues de piétons ordinaires, Paris, Le Félin, 2013 et Pour une esthétique de l’ordinaire. Nantes, Les Ateliers de la Recherche en design Publication de l’Université de Nîmes. 2008.
Jean-Claude Pinson a longtemps enseigné la philosophie de l’art à l’université de Nantes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, livres de poésie, récits et essais. Parmi ses derniers titres : Là (L-A, Loire-Atlantique): Variations autobiographiques et départementales – Suivi de Frères oiseaux, Joca Seria, 2018 ; Pastoral, De la poésie comme écologie, Champ Vallon, 2020 ; Sur Pierre Michon, trois chemins dans l’œuvre, Fario, 2020
Pascal Massiot est journaliste et responsable éditorial de Pop’ média, média nantais citoyen, numérique et coopératif.
©Atelier ter Bekke & Behage
En partenariat avec ARTE et la librairie L’Oiseau tempête